6 octobre 2014

Autocensure, suis-je en train de tuer ma liberté (d’expression) ?

« L’autocensure est la mise en œuvre préalable d’une censure que s’applique à elle-même une personne, une institution, une organisation, etc. L’autocensure devance ce qui est perçu comme une menace (réelle ou supposée) de censure par une autorité (politique, financière, religieuse, etc) ou plus largement par ce que l’on appelle l’opinion publique, le politiquement correct. L’autocensure est à mettre en relation avec la notion de conformisme (l’illusion de la libre parole). Par ailleurs, toutes les relations sociales sont marquées par une forme d’autocensure : c’est une ligne de fuite qui permet aux individus et aux sociétés d’éviter l’explosion et/ou l’implosion par la non-énonciation d’une vérité qui ne peut être entendue par l’autre ou par les autres. » Wikipédia

Certes, j’ai bien conscience de compter quelques fans – rassurez-vous, je n’ai pas encore piqué la grosse tête – qui apprécient bien mes articles et m’encouragent à les proposer aux organes de presse. Mais, je n’aurais jamais imaginé que j’avais un si fidèle lecteur des analyses et autres billets que je dépose de temps en temps sur les réseaux sociaux, facebook et twitter. C’est vous dire mon agréable surprise, quand à la suite de ma présélection au concours Mondoblog Saison 4, mon cher ami Jean Jacques m’a félicité et a dit en guise de conseil : « Donne désormais libre cours à ta pensée, ne limite plus ta plume car ce sera dommage que tu continues de nous priver de tes analyses de certains sujets qui te sont tabous ». Sujets tabous ! Le mot est lâché. Je ne vous cache pas qu’un court instant, je me suis senti coincé, comme un petit enfant pris la main dans le sac. Oui, en mon for intérieur, je sais que mon ami dit vrai et que je m’interdisais (à tort ou à raison) certains sujets. Même si en privé, il m’arrivait par moment de donner quelques avis, jamais encore je n’avais osé rédiger un article sur certains sujets et moins encore en publier. Je me suis néanmoins rapidement repris et lui ai rétorqué que je ne semblais pas bien comprendre de quels sujets tabous, il parlait. Mal m’en a pris car avec son franc-parler habituel et son petit rire moqueur, Jean Jacques cite en exemple l’extrémisme musulman et d’ajouter : « Je sais ce que tu en penses moi, mais tu n’abordes jamais le jihadisme dans tes billets, même pas dans tes commentaires. Tu sais donc trop bien de quoi je parle ». Je crois cette fois-ci qu’il a senti monter en moi la gêne et a tenté de changer de sujet. Mais à ce stade, la conversation ne pouvait plus s’arrêter. Mon ami venait de taper dans le mille et je me devais à mon tour de lui exposer mon appréhension.

Jihadisme, sujet à tirs croisés : J’ai fait la remarque que le jihadisme à l’instar de presque tous les autres extrémismes, n’a jamais été un sujet traité avec sérénité dans la presse. Je dirai même que c’est un sujet clivant qui a d’un côté quelques farouches adeptes affichés (et probablement plusieurs d’autres militants plus ou moins anonymes) et de l’autre des superstructures anti-jihadismes (constituées d’une armada d’États, de médias et de citoyens), tout aussi propagandistes les uns que les autres. Du coup, quand tu abordes ce sujet, tu perds (on te retire plutôt) toute neutralité parce que tu es scruté à travers le prisme de pro ou anti-jihadisme. Mais aucun sujet ne peut prendre de la hauteur, s’il n’est traité en dehors de toute passion et pression, si son seul nom traduit l’establishment. Et pourtant, c’est bien l’opinion que je me fais du traitement de ce sujet : soit on vous reproche de faire l’apologie du terrorisme ou soit vous faites les frais des jihadistes. En langage familier, cela se dit : « A prendre ou à laisser ».

Sur la forme, les méthodes utilisées par l’un et l’autre camp sont discutables. En effet, à moins d’être soi-même psychopathe, je ne vois personne rester insensible à l’enlèvement de centaines de lycéennes au Nigeria, à l’assassinat des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon de RFI au Mali ou encore aux récentes scènes de décapitation des otages français et britannique respectivement en Algérie et en Syrie. Ce sont des actes de barbaries à dénoncer et à combattre. Mais cette prise de position a un prix et peut vous rendre susceptible de représailles. Cette stratégie de terreur a pu émousser les ardeurs de plus d’un surtout quand on sait qu’on a à faire à un « adversaire invisible », tapis dans l’ombre et prêt à tout. En face, la réponse aux actes perpétrés par les jihadistes est souvent militaire, engendrant parfois des dommages collatéraux, source de nouvelles tensions. Si les frappes aériennes ont démontré leur efficacité sur la destruction des armes et matériels de guerre des jihadistes, elles ont montré des limites face aux attaques suicides et guérillas urbaines, de plus en plus pratiquées.

Sur le fond, c’est dire qu’on s’est enfermé dans une double impasse (aussi bien sur le plan militaire que celle d’un débat passionné sur le sujet) continuant de faire des cortèges de victimes innocentes. Il est évident que les jihadistes ne pourront jamais parvenir à disposer de territoires autonomes pour y faire prospérer leur « vision politique et religieuse » sans qu’ils ne soient continuellement bombardés. De même, le monde ne trouvera de quiétude tant que la menace jihadiste existe.

Notre planète parviendra à se débarrasser du jihadisme si au-délà des réactions belliqueuses intempestives, le « monde civilisé » se décide enfin à rechercher les réelles causes à l’origine de la montée de ces mouvements extrémistes et surtout ce qui de nos jours encore les alimente. Sinon ce serait encourager l’autocensure que de chercher à tout prix pour le politiquement correct, à imposer une pensée unique dans le traitement de ce sujet.

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