3 octobre 2014

Ebola, l’Afrique doit tirer des leçons

Ce virus pour lequel il n’y a pas encore de vaccin (juste des vaccins au stade d’essai) vient de s’exporter en Amérique avec le cas de Dallas. Mais pour le moment, l’Occident semble mieux y faire face. C’est plutôt la fatalité sous laquelle ploie une fois encore le continent noir qui déconcerte. Guinée, Liberia, Sierra Leone, bref toute la sous-région ouest-africaine montre depuis mars 2014 une grande fébrilité vis-à-vis de la flambée de l’épidémie d’Ebola.

Qu’est-ce qui justifie que 38 années après la découverte de ce virus, l’Afrique qui a célébré récemment avec faste les cinquantenaires de son indépendance soit encore là à appeler à la rescousse l’Occident pour juguler cette épidémie ? Si à plus d’une cinquantaine, les Etats africains sont incapables de venir à bout du virus d’Ebola, à quoi leur sert la souveraineté qu’ils brandissent fièrement pour interdire toute « ingérence » dans leurs affaires de politique interne ?

Et oui ! L’Afrique se doit de tirer les leçons de ses incohérences, de ses errances, bref, de son manque de vision si elle ne veut pas continuer par faire le lit d’Ebola et de bien d’autres catastrophes. Mais en attendant, à plusieurs niveaux, elle a créé des conditions favorables pour que le virus puisse prospérer.

En effet, au niveau des Etats  (le cas du Sénégal à quelques exceptions près), la gestion hasardeuse de l’épidémie est le premier point à indexer. En Guinée par exemple, l’épidémie a continué à couver – sans être détectée – pendant plus de trois mois. A cela, il faut ajouter une politique de santé défaillante, car il a suffi de cette épidémie, pour mettre ces pays fragiles à genoux lorsque le système de santé a été négligé pendant des décennies. Un troisième point, le peu d’engouement pour la recherche en Afrique. L’absence de traitement efficace, de vaccin et de connaissances sur l’origine du virus montre que les recherches sur le sujet sont très limitées (par tout au monde dira-t-on).

Sur le plan communautaire, l’épidémie s’est nourrie de plusieurs fausses informations ; ainsi les rumeurs et la panique se sont répandues plus vite que la maladie, ce qui a pu occasionner d’autres tragédies comme le massacre de Womé. Le virus Ebola a déclenché une peur quasiment universelle. Celle-ci amplifie énormément les perturbations sociales et les pertes économiques, bien au-delà des zones d’épidémie.

Une guérisseuse

Par ailleurs, il y a certaines pratiques culturelles en Afrique à réviser, du moins en période d’épidémie et à plus forte raison de l’épidémie d’Ebola comme le confirme, ce récit des faits survenus en Sierra Leone pris du site de l’OMS https://www.who.int/csr/disease/ebola/ebola-6-months/sierra-leone/fr/ : « …Une guérisseuse traditionnelle renommée et respectée de tous habitait dans la région de Kailahun. Ses célèbres pouvoirs de guérison étaient également connus de l’autre côté de la frontière, en Guinée. Alors que la flambée continuait à prendre de l’ampleur en Guinée, des patients vinrent s’adresser à elle pour se faire soigner. La guérisseuse a probablement contracté le virus Ebola et est décédée. Les gens sont venus par centaines assister à ses obsèques, y compris des villes voisines, afin d’honorer sa mémoire. D’après une rapide enquête des autorités sanitaires locales, la participation à ces obsèques pourrait avoir entraîné jusqu’à 365 décès dus à la maladie à virus Ebola. En Guinée, 60 % des cas ont été liés aux pratiques traditionnelles d’inhumation ». La peur d’Ebola a de même exacerbé la discrimination envers les malades et leurs familles. En effet, « dans un village du Liberia, des malades d’Ebola se sont retrouvés emmurés vivants. La peur d’Ebola a transformé Ballajah, au Liberia, en village fantôme, au silence entrecoupé de gémissements, ceux de Fatu Sherrif, 12 ans, cloîtrée une semaine entière avec le corps de sa mère, «sans nourriture ni eau», avant de mourir à son tour. » peut-on lire sur https://www.20minutes.fr/monde/1427781-village-liberia-malades-ebola-retrouvent-emmures-vivants.

On pourrait relever autant de défaillances au niveau individuel comme l’adoption de comportements à risque tels la poursuite de la consommation des animaux réservoir du virus ou encore le déni de la maladie. En effet, dans certaines zones, les chaînes de transmission sont devenues invisibles, car les populations les cachent. Par ailleurs, étant donné le fort taux de létalité de la maladie, les familles des malades préfèrent les soigner à domicile. Ainsi ne risquent-ils pas de mourir isolés, loin d’eux. Or de nombreuses preuves montrent qu’une prise en charge précoce et intensive augmente nettement les chances de survie.

En somme, il urge que  les dirigeants africains prennent leurs responsabilités et répondent de manière idoine à cette nouvelle crise qui sape le développement du continent et déciment des familles entières. Certes, l’Afrique a droit à la solidarité internationale, mais il lui faut d’abord tirer les leçons de sa gestion de cette épidémie. Ebola après 38 ans d’existence ne doit plus être une fatalité.

NB : Pour obtenir de plus amples renseignements sur Ebola, visitez https://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs103/fr/

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